LE LIVRE DES TRANSFORMATIONS

YiKingLe QiGong est très lié à la médecine chinoise et celle-ci voit une grande partie de ses fondements exposés dans l’un des ouvrages fondamentaux de la culture chinoise, le Huangdi Nei Jing.

Mais un autre des 5 Classiques chinois a une importance fondamentale pour l’appréhension et la compréhension du fonctionnement des systèmes énergétiques du corps humain : le Classique de la mutation ou Livre des Transformation : le Yi King.

Soixante-quatre dessins, les hexagrammes, composent à eux seuls le véritable texte du Yi King.| Marcel Granet, la Pensée Chinoise|

‘Yi King’ est usuellement traduit par ‘Livre des Transformations’. Si l’idéogramme ‘Ching’, est relativement bien rendu par ‘Classique’, ‘Livre’, ou ‘Canon’ et qu’il est utilisé pour des nombreux autres classiques de la littérature chinoise (Le Shih Ching, Livres des Odes – Le Shu Ching, Le Canon des Documents – ou le Tao te Ching, livre du Tao et de sa Vertu), le terme de Yi est plus ambivalent. Feng Yu-lan dit qu’il lui est donné trois significations : aisance et simplicité, transformation et changement, invariabilité.

‘Yi’ évoque donc la mutation comme un processus non violent et spontané, qui arrive dans la facilité.

La légende attribue trois auteurs au texte ancien du Yi King : Fu Hsi, Wen Wang et Chou Kung et un seul pour tous les commentaires : Confucius. On distingue dans le texte ancien du Yi King quatre éléments : le dessin de l’hexagramme, son nom (l’idéogramme qui le désigne), le Kua Tz’u (des formules en général très courtes, jugements de type nettement divinatoire) et les Yao Tz’u (commentaires qui se rapportent à chacun des six traits).

L’ordre de succession des hexagrammes est aussi important. Les hexagrammes sont rangés par retournement du précédent. Lorsque ce retournement ne crée pas de nouvel hexagramme, du fait de sa symétrie interne, la séquence est celle d’une mutation trait pour trait avec le suivant.

Un hexagramme est donc composé de six traits continus (yang) ou brisés (yin), considérés du bas vers le haut. Comme présenté au chapitre précédent, ils sont faits de deux trigrammes superposés, eux-mêmes issus des quatre images obtenues par le redoublement du premier trait yin ou yang.

 

Il n’est peut-être pas inutile pour commencer de rappeler la ressemblance du code génétique avec cet antique système symbolique du Livre des Transformations : les quatre diagrammes vieux yang, jeune yin, jeune yang et vieux yin se combinent par trois pour former 43 = 64 hexagrammes. Leibniz fut surpris de découvrir que l’ordre naturel des hexagrammes définissait un système de numérotation binaire (qui deviendra plus tard l’algèbre de Boole, base du langage informatique) que lui-même venait d’inventer. Plus surpris encore furent les généticiens du XXème siècle, en constant que si l’on assimile convenablement chacun des 4 diagrammes chinois à l’une des 4 paires de radicaux chimiques composant l’ADN, chaque hexagramme équivaut à l’un des triplets génétiques. La structure de l’ordre naturel décrit dans le Yi King se trouve ainsi correspondre point par point à celle du code génétique. |François Jacob in Le Modèle Linguistique en biologie, Critique, mars 74|. Contentons-nous pour ici de constater la richesse potentielle d’un abord du Yi King au travers de la notion d’information. C’est cette notion d’information qui permet d’aborder clairement celle de mutation.

 

Le premier trait est donc la première information. C’est la première rupture de l’Informel, du sans forme, le taiji. Ce trait est le Tao du Ciel, du domaine de la conscience et de la spiritualité. Le premier trait, c’est dire yin ou yang. Yin : _ _ et Yang : ___

 

 

Le deuxième trait est la deuxième information, celle de la permanence ou de la transformation, selon que le trait est le même ou l’inverse du premier. Yin et yang réunissant leurs qualités donnent corps à jou (flexible) et kang (inflexible). Cette nouvelle paire de contraires semble bien introduire la notion de permanence vis-à-vis de celle de transformation. Car le changement lui-même n’est concevable que par et à travers son contraire : la permanence. Le monde est à la fois permanence et changement. Il est leur naturelle unité. C’est le Tao de la Terre, de la nature et de ses lois, et de la matière. Avec ce deuxième trait apparaissent 4 possibilités :

 

: permanence positive           + +     vieux yang

: permanence négative        – –      vieux yin

: changement positif              – +      jeune yin

: changement négatif            + –      jeune yang

 

Le troisième trait est le Tao de l’Homme. Pour les chinois, ce ‘Tao de l’Homme’, c’est la bienveillance et justice. Le sens imagé de cette dernière antithèse pourrait être : appliquer la règle (justice) ou ne pas l’appliquer (clémence), c’est la règle et son revers. En ce sens, la troisième information combine les deux premières : le oui et le non affectent la permanence, qui tend vers la règle et le changement, qui la récuse.

 

Les trois informations étant maintenant intégrées en un trigramme, le trigramme constitue un tout et on peut aussi l’envisager comme une image de par la disposition de ses traits. Leur ternaire séquentiel se trouve en effet symboliser le cours temporel, passé – présent – avenir, et il apparaît que le trait moyen des trigrammes en acquiert une valeur particulière. On peut classer ainsi les trigrammes en deux groupes yin et yang, selon que leur trait moyen, leur trait transformateur, est yin ou yang.

Chaque trigramme est encore associé à une qualité primordiale et une image ou symbole. On peut en proposer les traductions suivantes (mais les attributs des hexagrammes et trigrammes sont déjà un domaine d’exégèse particulièrement touffu et ardu) :

 

Qualité                                                       Image

Qian : souverain                                       Tien :    ciel

Kun :    obéissance                                   Ti :        terre

Kan :    précipice                                       Shui :    eau

Li :        se séparer ou se rencontrer     Huo :   feu

Zhen :  foudre, ébranler, séisme           Lei :      tonnerre

Gen :   bloquer, rester sur place            Shan :  montagne

Sun :    docile, céder                                 Feng :  vent (ou aussi Mu : bois)

Dui :     échanger                                      Tse :     eau stagnante    (ou aussi Yün : nuage)

 

 

Les trigrammes peuvent également présenter, dans leur formule algébrique, les rapports du yin et du yang sous la forme ternaire du transformable, du transformé et du transformateur :

 

Transformable             Transformateur            Transformé

Plus                             Plus                             Plus

Moins                          Plus                             Moins

Plus                             Moins                          Moins

Moins                          Moins                          Moins

 

Il en ressort que le signe positif ne fait pas changer le terme initial et qu’au contraire, le signe négatif entraîne le changement, qu’il s’applique à lui-même ou à son contraire.

 

 

Selon le Yi King, la ‘nature’ des phénomènes est inconnaissable parce qu’en perpétuelle mutation. C’est le mouvement des mutations qui est constant et universel et qui peut faire l’objet de la connaissance, permettant alors de prévoir les états ultérieurs des phénomènes en perpétuel devenir. Tel est alors l’objet du Yi King.

 

Entre le « oui » céleste de la lumière, le « non » terrestre de la pesanteur, s’établit et se déploie tout le potentiel, le « peut-être » de la vie.

 

Pour beaucoup, le Yi King a été et est avant tout un livre divinatoire. Je pense que cosmologie et divination ne sont jamais en fait séparables. La science elle-même est un système divinatoire… efficace dans un champ volontairement limité.

 

L’essentiel des structures de la médecine traditionnelle chinoise est construit sur le modèle analogique que constituent les trigrammes du Yi King et, par conséquent, les règles fondamentales de son application y trouvent à la fois leur source et leur explication.